La porte du domaine familial claqua violemment derrière cette silhouette fine et élancée qui en était sortie pareille à une tornade. Ses cheveux ambré volaient autour de son visage aux traits qui eurent pu paraître angéliques si l'éclat meurtrier luisant au fond de ses yeux de jade n'était venu le démentir. Elle pressait le pas, sans même daigner jeter un regard derrière, belle et bien décidée à ne jamais revenir au sein de ce foyer qu'elle venait de renier. Mais la lourde porte s'ouvrait de nouveau, laissant apparaître la silhouette éplorée d'une femme qui l'implorait de réfléchir, de ne pas partir, de ne pas l'abandonner. A ces mots tout droit venus du cœur la jeune furibonde suspendit ses pas et inspira plus longuement, plus profondément, tentant d'apaiser ce cœur qui s'emballait un peu trop. La femme, sa mère, pleurait et chacune de ces larmes étaient comme autant de poignards enfoncés dans le cœur de son héritière. Circée sentait sa détermination fondre comme neige au soleil et, déjà, son regard passait par dessus son épaule, venant s'ancrer avec une douceur rare chez elle, à celui de cette femme qui était la seule à pouvoir encore la raisonner. Laissant tomber ce sac qui contenait tout ce qu'elle avait voulu emporter, ces maigres souvenirs d'une vie dont elle voulait s'éloigner autant que faire se pouvait, elle courut vers sa mère et la prit dans ses bras, la serrant tendrement. L'une de ses mains vint caresser la chevelure de la femme aux yeux bouffis et aux traits tirés.

Dans un regard triste et les lèvres pincées, elle redessina du bout des ongles ces bleus et ces ecchymoses qui ternissaient le visage de sa mère, témoignages bien trop vibrants et douloureux de la furie destructrice de cet homme qu'elle vit se tenir derrière une fenêtre des étages. De nouveau son regard se fit plus dur et lança des éclairs à cet homme qui avait détruit ce qui ne serait jamais sa famille ! Lui qui avait causé, elle le savait sans pouvoir autant le prouver, la mort de son père adoré pour mieux prendre sa place. A la tête de cette affaire où il avait été son associé, auprès de ces amis qu'il s'était appropriée, et jusqu'à cette famille où il s'était immiscé sans la moindre vergogne en épousant une veuve éplorée. Il avait abusé de la faiblesse et de la détresse de sa mère pour mieux endormir sa confiance, la menant à l'autel comme il l'aurait fait d'une brebis innocente que l'on mène au sacrifice ! Et cela avait admirablement bien fonctionné puisque, en moins d'un an, Allan avait tout pris, tout volé... Et tout ruiné ! Il avait épousé la mère de Circée, mis la main sur le cabinet d'avocat de son père, et laissé sa rage folle faire de la jeune fille une femme contre sa volonté. Il avait tout sali, tout souillé... Et puisque fuir pour mieux tenter de se reconstruire lui était impossible si cela voulait dire abandonner à cet homme la seule personne au monde qui comptait encore pour elle, alors elle resterait. Et s'appliquerait à faire de la vie de son beau père un enfer permanent. Il payerait ! Au centuple ! Quel que soit le prix à payer pour parvenir à ses fins Circée se fit la promesse de s'en acquitter. Parce que, aujourd'hui et pour toujours, elle ne serait que violence, perfidie et colère ! Parce qu'il avait fait d'elle un monstre, alors elle serait la créature de Frankenstein ! A cette différence près que, dans son histoire à elle, ce serait la créature qui tuerait son créateur ! Oui, elle se le jura.

Et cette promesse devint plus solennelle encore quand, à peine quelques mois plus tard, alors qu'elle revenait de Poudlard, ses ASPIC en poche, souriante et fière, elle tomba nez à nez avec cet homme qu'elle exécrait et qui l'attendait devant le portail de ce domaine qui était le sien. Il était entouré d'une cohorte d'elfes de maison et de bagages que la jeune femme devait bientôt identifier comme étant les siens. Sa mère avait fait une terrible chute dans les escaliers et s'était rompue la nuque... Les jambes de la jeune femme la lâchèrent et elle tomba à même le sol terreux. Seule, elle était seule avec ce pervers qui ne lui laissait le choix : rester auprès de lui et se montrer docile ou partir. Comme il était tout bonnement hors de question qu'elle subisse encore ses attouchements, Circée opta pour la seconde solution. Sans même s'encombrer de ces affaires qu'il lui laissait si généreusement, elle partit. Sans plus jamais se retourner. Après avoir dépensé ses maigres économies dans une chambre au Chaudron Baveur, elle finit par se résoudre à ravaler sa fierté et à aller trouver cet homme qui était son parrain : Samael Mayfair. Leurs pères avaient été des amis et des partenaires en affaires, le père de Circée défendant les intérêts de ceux de Samael. L'homme, de quatorze ans son aîné, l'écouta attentivement et sans la moindre compassion qui aurait fait détourner vite fait les talons à sa filleule, il l'a prise sous son aile. Investissant sur elle comme il l'eut fait sur une entreprise prometteuse il lui offrit un appartement à Londres et lui permit de suivre des études de droit dans lesquelles elle excella. Circée devint major de sa promotion et son diplôme d'avocate en poche elle commença la longue et âpre bataille juridique qui devait assouvir cette vengeance qu'elle n'avait jamais oubliée ! Il lui fallut trois longues années, et compulser autant de livres de loi qu'elle corrompit ou fit chanter de personnes mais la brillante demoiselle parvint à ses fins. Allan McGrégor fut arrêté puis chargé pour abus de faiblesse, trafic d'influence et vol qualifié. Sans oublier la cerise sur le gâteau : il paya aussi pour le meurtre de la mère de Circée. La victoire était totale et, sa réputation, faite.

Reconnaissante envers l'homme auquel elle devait tout, sa fortune et le cabinet familial enfin remis entre ses mains avides de pouvoir et de réussite, Circée devint tout naturellement l'avocate attitrée de celui qui devait bientôt devenir Ministre de la Magie britannique. Et elle sert au mieux, et chez elle cela veut dire beaucoup et surtout le pire, les intérêts de son parrain. Il n'y a rien que la jeune avocate ne puisse faire pour le Ministre en qui elle verra toujours celui par qui elle aura pu obtenir sa vengeance. Ne posant jamais de question, ne cherchant jamais à outrepasser les limites qu'il lui fixe et ne bafouant jamais la confiance qu'il lui accorde, elle le sert au mieux. Parfaitement consciente qu'il se sert d'elle comme il le fait du reste du monde. Et alors ? Si Circée et Samael ont une chose en commun c'est bien l'absence totale de sentiments et de morale. Ambitieux ils s'épaulent et se rendent de mutuels services. Elle le défend et n'hésites pas à se servir de la loi pour mieux faire tomber les obstacles sur sa route. Lui ? Il lui a offert sa vengeance, lui a permis de récupérer sa fortune et son nom. Et, oui aussi, elle aime cette puissance et ce statut que lui permet le fait de lui être affiliée. Disons qu'elle est son âme damnée.... Ironique, non ?