Lettre cachetée sous le nom et l'adresse de Jacob O'ConnorEt quoi ? ma belle amie, vous croyiez pouvoir vous débarrasser de moi si facilement ? En vérité, vous n'avez perdu que le tutoiement au profit des marques de mon respect le plus éclatant pour la noble dame que vous fûtes, que du reste vous pourriez être encore.
Ma foi, je reconnais volontiers mes torts, c'est-à-dire de vous en avoir voulu ces derniers mois. Aussi c'est à genoux que je vous demande pardon puisque, enfin, la rancœur que j'avais fut consumée par des sentiments d'amitiés que j'éprouvais jadis, que j'éprouve d'ailleurs toujours.
Cependant, il faut tout de même admettre que vous n'êtes pas en reste non plus pour ce qu'il en est des torts, ma terrible Faustine. Car fallait-il que vous laissiez ce goujat vous dicter votre conduite ? Que de redoutable tueuse vous en soyez réduite à douce mère, je le conçois bien. Mais que vous, femme fatale, meurtrière vénale vous laissiez le moindre passant venu, tout mari fût-il, vous ordonner qui doit ou qui ne doit pas être sur vos tablettes, voilà qui sidère mon esprit vieillissant.
Allons, je vous juge bien mal, car le nom de votre époux vous sied comme je l'avais prévu. Je vous reprocherais simplement d'accorder trop d'importance au rapin qui envahi votre lit chaque nuit. Allons, mon ardente amie, émancipez-vous ! N'avez-vous donc aucune fierté ? aucun honneur tapi dans votre cœur ? Vous me faites peine, en vérité, et je vous ai tout pardonné, la larme à l’œil car je suis un grand émotif comme vous le savez.
Assurément, je voudrais accorder du crédit à monsieur, et vous reconnaîtrez tout de même que je me suis montré bon seigneur, en dépit de la manière dont j'ai été jeté de votre vie comme un sac de viande avarié. De même, vous admettrez que malgré mes sentiments, je pensais naïvement que monsieur de Habsbourg - puisqu'il faut le nommer - vous comblerait de bonheur tout en m'acceptant comme un ami, à défaut d'un frère. Mais point du tout ! ce moraliste chercha la raison de notre curieuse union et jugea qu'il fallait la rompre. Ma douleur en fut vive alors qu'elle s'était apaisée à peine dans la matinée où je purgeais ma tristesse depuis une semaine cloîtré dans mon palais jusqu'à mon âme.
Certes, j'ai tout lieu de croire qu'il vous rende heureuse, et c'est là l'essentiel, ma tendre camarade. Mais vous jugerez tout de même que j'ai bien agi en écrivant sur l'enveloppe le nom d'un ami que vous connaissez au moins de nom je l'espère. Car, après tout, que vous acceptiez le joug d'un mari aux idées patriarcales et poussiéreuses, pourquoi pas ? mais il fallait bien que je vous écrive.
D'une part, je me dois de régler le compte de quelques malandrins qui ont gâchés à jamais la vie de ma fille, et d'autre part, je songe à la retraite avec plus d'aplomb que lors de notre dernière rencontre. Quel rapport ? me demanderez-vous d'une voix plaintive. Eh ! bien, je ne puis concevoir la fin de Morphée sur une vilaine vengeance, sans éclat ni gloire. Sans doute vous souvenez-vous de mon projet de voler la banque sorcière ? Alors, vous saurez qu'il tient toujours et que je vous veux à mes côtés ce jour-là, en gage de l'effacement de nos différends.
Amicalement vôtre,
M.
PS: Le projet n'a pas encore de date fixée, naturellement, mais je compte bien vous prévenir le moment où j'aurais coché une case de mon calendrier. Par ailleurs, si vous consentez à répondre, vous pourrez l'envoyer au nom et à l'adresse de l'enveloppe, car mon elfe de maison vous déteste et déchirerais votre lettre si elle tombais dans ses mains malpropres. Si d'aventure monsieur votre mari feuilletait jalousement votre courrier, je lui adresse mon salut le plus sincère et le plus respectueux et je lui souhaite tous mes vœux de bonheur. Ce méchant peintre a sans doute une petite cervelle en comparaison de son ego, mais c'est d'autant plus touchant de candeur, je vous assure.
[HJ: J'avoue, j'ai craqué xD mais j'ai relu Les liaisons dangereuses alors...
Naturellement, on peut supprimer la lettre, mais je me sentais tout à coup inspiré ^^]