« ENVIE, quand tu nous tiens… »

- Tiens mieux ta garde Stephen !

Rien n’y faisait ! Conrad Mayfair parvenait toujours à la déjouer, pour pointer le bout de son long bâton émoussé, contre la poitrine de son fils aîné. Debout dans un coin de la salle d’escrime, Samael les observait, magnanime en surface, mais fulminant déjà à l’intérieur, du haut de ses cinq ans, de ne pouvoir montrer à son père, comment lui aurait feinté toutes ses attaques. Lui, monsieur Mayfair ne l’entraînait jamais, il laissait cela au professeur particulier, qui venait plusieurs fois par semaine. Rigueur et attention, ce sport était la meilleure approche, selon l’homme de la maison, à l’art de la baguette, pour ses jeunes enfants. Mais seul l’aîné, l’héritier, accaparait l’attention de cet homme pressé et toujours bien trop occupé. Son grand frère et son père se saluaient désormais, s’inclinant l’un face à l’autre, pour mettre un terme au faux combat, alors que dans la tête de Samael, le duel s’éternisait, pour finir d’une façon bien différente. La véritable lame de Conrad Mayfair venait transpercer le corps maigrelet de son aîné. Sur la tenue blanche, une rose d’un rouge écarlate s’épanouissait et lui devenait le fils unique, celui qui succéderait au trône, de la dynastie familiale.

La secousse provoquée par son frère,  poussant sur son épaule, le réveilla du songe qui avait attiré un sourire rêveur à ses lèvres.

-Viens t’entraîner avec moi, Sam…

Il détestait ce surnom comme il détestait son frère, mais pourtant, sournois, il se contenta de le suivre docilement, pour lui mettre la dérouillée qu’il méritait… Quel dommage qu’il n’ait pas une véritable lame, pour en finir une bonne fois pour toute avec lui. Parfois, il se demandait s’il aurait l’audace de dessiner ses rêves, en une nouvelle réalité. L’attention de son père, c’était tout ce qu’il méritait et il s’en voulu, l’espace d’un instant, de ne pas parvenir à aimer Stephen.

Il n’aurait pas du. Son frère, déjà à terre, ne lui inspirait que dégoût… Et ce n’était pas de sa faute mais de la sienne. Il n’était pas digne d’être un Mayfair. Samael, lui, oui ! Pourquoi est-ce son père ne le comprenait-il donc pas ?


PARESSE, il ne t’a jamais vaincue, moi si…

- Si seulement j’avais su mieux te protéger.

Les épaules de sa mère tremblèrent, alors que les sanglots ravageaient son corps menu, penché au-dessus de celui sans vie, de son fils aîné. Conrad Mayfair dut la ceinturer, pour l’obliger à quitter la dépouille monstrueuse de ce fils qu’elle avait perdu, et qu’elle cherchait encore à étreindre, par tous les moyens. Une dragoncelle foudroyante ! Alors que son père emmenait sa mère hors de la chapelle ardente, érigée en l’honneur de Stephen, Samael sortit de l’ombre qui le dissimulait, pour s’approcher du corps couvert des traces horribles de cette maladie, à pas de loup. Ce n’était plus qu’un réceptacle vide, désormais, non ? Le claquement de la porte le fit sursauter, mais il poursuivit son avancée, jusqu’à effleurer la main répugnante, de cette chose qui avait été, pendant si longtemps, son grand frère. Est-ce que lui aussi, il aurait du pleurer ? Ou se sentir coupable, peut-être ? Il avait si souvent voulu être le seul fils et désormais, c’était chose acquise. Est-ce qu’il était vraiment responsable ? Est-ce que ses prières avaient été écoutées, quelque part ? Son cœur se mit à tambouriner dans sa poitrine, sa respiration se fit presque haletante. On aurait pu le croire en pleine crise de panique, mais finalement, sur ses lèvres, c’est un sourire, qui vint fleurir. C’était le cadeau de la vie, pour lui, la mort… C’était le destin et il l’avait fait plier ! Parce qu’il le méritait, lui, Samael Mayfair, l’héritier.

Sans trembler, ni même montrer la moindre peur, il embrassa les lèvres presque bleue du cadavre.

- Tu pourras te reposer pour l’éternité, désormais, paresseux…

Et lui, il règnerait !


GOURMANDISE, plus, toujours plus, je ne suis jamais rassasié…

Rassasié de cette énergie magique, qui courrait dans son corps en un flux électrisant, après chaque duel ? Jamais ! Les sourires gourmands des deux héritiers se rencontrèrent, si semblables et pourtant, tellement différents. Désormais qu’il était assuré d’être le seul et unique Mayfair, Samael s’était trouvé un nouveau frère, à Poudlard, un véritable frère, digne de son attention et qui ne lui volerait jamais, ce qui lui revenait de droit. Quand il avait rencontré Adrien Stevenson, leur lien s’était imposé comme une évidence ! Leurs familles étaient rivales depuis toujours, mais les faiblesses pour le cadavre en décomposition, qu’était désormais son aîné, n’avait forgé aucune loyauté chez Samael, envers son père. Alors, quand il avait eut l’occasion de créer sa propre alliance, il n’avait pas hésité une seule seconde.

- Tu l’as senti, toi aussi, Mael ?

Il adorait ce surnom tout comme il adorait son seul ami. Alors que l’héritier Stevenson quittait sa position, au centre de l’estrade, de la salle de duel, Samael s’installa sur le rebord, les bras en arrière, le visage levé vers le plafond, goûtant à ces sensations qui l’envahissait tout entier. La magie n’était jamais meilleure qu’avec lui et quand Adrien s’installa à ses côté et que leur baguette se frôlèrent, un frisson remontant de la colonne, du futur Auror d’élite, pour venir mourir à son échine.

- Evidemment, y a rien de meilleur.

Le rire profond de son ami vint répondre à son affirmation et le regard de Samael vint se porter sur les traits détendu de son allié. Il était beau, dans ces moments là et se dégageait de lui une sensualité évidente, qui troublait étrangement le jeune Lord Mayfair.  

- Je n’en suis plus aussi sûr…

Les sourcils de Samael se froncèrent légèrement, alors que le trouble laissait sa place à l’interrogation.

- J’crois que je suis amoureux...

Cette fois, c’était au tour de l’héritier Mayfair d’éclater de rire à la déclaration mutine de son meilleur ami. Loin de s’en offusquer, Adrien se laissa même aller à sourire, sachant pertinemment que c’était le genre de chose auquel son acolyte ne croyait absolument pas… Et il le lui pardonnait, parce que malgré tout, leur amitié était ce qu’il avait de plus précieux. Eux, envers et contre tous, jamais rien ne viendrait les séparer et surtout pas une fille. Ils étaient des frères, des frères qui s’étaient choisi.

- Comment elle s’appelle ?

Non, rien ne viendrait jamais se mettre entre eux.

- Aelycia.

Samael ne le permettrait pas.


ORGUEIL, je t’ai partagé un jour, avec lui…

Lui ne me trahira jamais… Debout sur cette estrade, les deux amis se tenaient côte à côte, le menton fièrement relevés, ne faisant pas vraiment attention à leurs familles respectives qui elles, se toisaient un chien de faïence, dans l’atrium du Ministère de la Magie. Deux ans à peine, qu’ils avaient intégré les rangs des Aurors d’Elite et déjà, les distinctions pleuvaient. Fudge s’était avancé vers eux, pour épingler à leur revers, l’ordre de Merlin tant mérité. Les regards de Samael et d’Adrien se croisèrent, l’espace d’un instant et le même sourire vint étirer leurs lèvres, fiers comme seuls de jeunes hommes peuvent l’être, quand leurs efforts paient. Le temps s’était comme suspendu, le silence régnant en maître, jusqu’à l’explosion des applaudissements et des sifflements, venant saluer les nouveaux héros.

Mais la cérémonie à peine terminée, c’est pourtant vers Aelycia Colloway, qu’Adrien se précipita, pour la prendre dans ses bras. Le regard de Samael se fit plus noir que jamais, alors que l’épine de la jalousie, venait à nouveau le meurtrir. La foule se dissipait et son ami se tourna presque aussitôt vers lui, sa main posée au creux des reins de la jeune fille.

- On va fêter ça Mael, tu viens ?

Il dut se faire violence pour retrouver le sourire et rester magnanime, face aux ressentiments que provoquaient en lui, la simple vu de ces deux corps tendrement enlacés. Si personne ne remarqua rien du malaise en Samael, la complicité de l’héritier Stevenson et de la demoiselle Colloway, n’échappa nullement à Conrad Mayfair. Cette petite dinde venait de lui offrir, sans le savoir, l’arme qu’il attendait tant, celle qui lui permettrait de mettre un terme à cette amitié qui le révulsait et contre laquelle il n’avait rien pu, jusque là, celle de son fils et de Adrien Stevenson.


LUXURE t’a perdu, alors, je l’ai fait mienne, mon ami…

Amis, ils l’avaient été jusqu’à ce jour, mais ce n’était pas ce mariage, qui allait les perdre, c’était cette obsession, qu’Adrien avait pour elle. Dans leur monde, il n’y avait pas de place pour cette chimère que l’héritier Stevenson, se plaisait à afficher. L’amour, ça n’existait pas et les Mayfair et les Colloway s’étaient arrangés, Samael et Aelycia devaient se marier. Cette idiote avait vraiment cru, en entendant le nom du meilleur ami, de l’homme qu’elle disait aimer, qu’elle serait sauvée… Pauvre âme niaise, il n’en était rien et elle avait cru défaillir, quand le jeune homme avait accepté cette union, de bonne grâce, un sourire diabolique aux lèvres, devant leurs deux clans réunis.

Il n’avait pas eu à attendre longtemps, pour voir Adrien débarquer au Manoir Mayfair, quelques heures à peine après l’annonce de la bonne nouvelle. Il ne venait jamais… Il n’était pas le bienvenu sur les terres de son ami, comme Samael n’était pas le bienvenu, sur celles des Stevenson. Mais pourtant, en ce jour, on l’avait laissé entrer sans rechigner et sans se frotter à la fureur qu’il manifestait.

- Dis-moi quel est ton plan pour mettre fin à cette connerie !

Un verre de Whisky pur-feu à la main, le visage de l’Auror d’élite se voulait grave, quand il se tourna vers son meilleur ami.

- De quoi parles-tu ? Tu veux un verre ?

Visiblement… Non ! Adrien avait passé une main dans ses cheveux, avant de monter d’un ton.

- Ce mariage ridicule, Mael, évidemment ! Aelycia m’a dit que tu y avais consenti, mais je ne peux pas y croire !
- Et bien crois-le !

Les yeux de son ami s’étaient écarquillés, alors que les mots mourraient sur ses lèvres, sans avoir été prononcés. Samael s’approcha, après avoir posé son verre, sur le rebord de la fenêtre. Il n’était pas dupe du plan de son père… Cette conversation, il l’avait attendue, depuis qu’il avait été informé, des plans pour son mariage… Il y a des mois de cela !  

- Ca ne changera rien entre nous, ce n’est qu’un mariage, un arrangement, un bout de papier. Quand Aelycia m’aura donné mon héritier, je te laisserais en faire tout ce que tu voudra.

Parce qu’elle ne comptait pas, elle n’était qu’un amusement pour Adrien et il était temps qu’il sen rende compte. Si entre eux, rien ne changeait… Alors, tout allait pour le mieux.

- Tu es complètement fou !

L’héritier Stevenson l’avait craché au visage de son ami, avant de tourner les talons, fou de rage, ne ratant pas le chambranle de la porte, en sortant, en y mettant un coup de poing.

- Mais tu le sais depuis toujours, Adrien...

Evidemment qu’il le savait, ils s’étaient toujours compris… Jusque là !


AVARICE, ce qui est à moi… elle…

Elle était sienne, complètement !

Ce soir-là, le Ministère organisait une grande fête et Samael avait emmené toute sa famille avec lui, la petite main d’Ahtina serrée dans la sienne. L’Atrium avait été paré des plus somptueuses des décorations et ses ambitions n’avaient eu que bien trop tôt, la force de l’arracher aux siens. Quand il chercha des yeux son enfant, cependant, il eut la désagréable vision de tout ce qu’il redoutait…

Si la main de son trésor avait échappé à la sienne, s’était pour mieux aller se blottir, dans celle de ce gamin, dont le regard d’un bleu profond, lui tordit horriblement la poitrine. Gabriel ressemblait tellement à son père… Sans attendre, il était allé séparer les deux enfants sans ménagement, attirant immédiatement sa fille contre lui, qui se mit à pleurer à gros sanglots, sous le coup de la surprise.

- Ne t’approche plus jamais d’elle, tu entends ?

Le petit garçon l’avait regardé avec de ses grands yeux étonnés, ne comprenant rien à ce qui venait tout juste de se passer. La main posée sur son épaule vint le rassurer, tout autant qu’elle déstabilisa Samael. Adrien se tenait face à lui, soutenant son fils.

- Il a raison Gabriel, elle ne pourra te faire que du mal…

Le regard de son ancien ami s’arrêta sur sa fille, avant qu’il ne se détourne pour de bon, emmenant Gabriel avec lui.

Déraisonnable, Samael l’était toujours, quand il s’agissait de sa petite fille. Il n’avait jamais porté grand intérêt à sa femme, ne l’exhibant et n’étant tendre avec elle, que lorsqu’il savait Adrien dans les parages. Mais Athina… Athina était son plus précieux trésor. Au départ, pourtant, il avait été jaloux de Gabriel, ce fils que son ancien ami avait eu… Un héritier, un petit homme. Mais finalement, ce n’était pas plus mal… Elle serait sienne à jamais, pour leur nom, pour leur dynastie. Et la première chose qu’il avait faite, c’était interdire à son enfant, de fréquenter le petite Stevenson, bien trop conscient de cette alchimie innée entre eux, la même qui l’avait liée à Adrien, bien trop fort…


COLERE, on ne peut haïr que ceux qu’on a aimé, avec déraison…

Des raisons de se haïr ? Evidemment… De l’eau avait coulé sous les ponts, depuis son mariage, mais jamais la blessure entre Samael et Adrien n’avait pu se refermer. Elle était tout ce qui restait de leur amitié et dans un sens, le futur Ministre la chérissait, l’entretenait, même, à coup de perfidie et de regards pourtant bien trop tendre. Il y avait toujours ce magnétisme, entre eux, pourtant, Adrien ne le ressentait-il pas, lui aussi ? Le futur Ministre était persuadé que si. Quand il entrait dans une pièce, il la sentait, c’était viscéral, cette connexion, entre eux… Comme là. Un frisson vint secouer ses épaules alors qu’il se retournait, pour voir celui qui avait été son meilleur ami, entrer dans son bureau, déterminé.

Il ne s’était plus tenu dans cette pièce, depuis le jour où leur amitié s’était brisée. Mais loin de la fureur de ce jour-là, c’était l’assurance, cette fois, qui brillait dans le regard d’Adrien, une lueur à l’éclat de vengeance.

- Je sais tout Mael, et j’ai des preuves…

Il avait toujours été le seul à l’appeler comme ça et il ne l’avait plus fait depuis des années. Les lèvres de Samael s’entrouvrir, pour happer un air qui lui manquait, avant de se ressaisir et de les pincer.

- Je n’ai pas le temps de jouer aux devinettes, de quoi est-ce que tu parles ?
- Tu le sais très bien ! J’ai vu ce que tu as fait l’autre soir et je vais tout dire ! Ta carrière, ta réputation, c’est terminé Mael !

La colère avait éclot dans sa poitrine, rouge sang, comme les roses au printemps. La pression battait soudainement à ses tempes. Il avait toujours cru que sa chute viendrait d’Adrien, il ne l’avait jamais cru aussi rapide… Et il la refusait !

- Je détruirais Aelycia…
- C’est déjà fait… Tu n’es qu’un monstre incapable d’aimer !
- JE T’AI AIME, TOI !

Samael l’avait hurlé, tremblant de colère. Jamais il ne s’était senti plus vulnérable et en même temps…

- Moi aussi je t’ai aimé, mais c’est fini maintenant…

En même temps, jamais il ne s’était senti plus résolu, puisant toute la force nécessaire dans cette faiblesse, pour sortir sa baguette et viser le dos d’Adrian, qui s’était déjà détourné. Le sort de mort ne passa pas même la barrière de ses lèvres, informulé dans le secret de toutes les noirceurs de ce cœur, qui lui semblait battre plus vite que jamais. Son vieil ami s’écroula, en même temps que le bois d’orme tombait au sol. Les genoux de Samael cédèrent et il tomba, à côté du corps sans vie, qui gisait à terre. Pour la première fois de sa vie, des larmes dégringolèrent le long de ses joues.

Cette fois, les péchés l’avaient totalement consumé… Pour mieux renaître !


SUR L’AUTEL DE TOUS MES VICES, prends ma femme et fais tienne ma fille…

Il lui parlait, depuis déjà tellement longtemps, mais le soir de son accession au poste de Ministre, Samael l’avait entendu plus clairement que jamais, sa voix grave résonnant au sein même de son esprit. Il l’avait tant attendu, tant voulu, depuis ce vide qu’il ressentait, depuis la mort d’Adrien. Ce sentiment qui l’avait déserté, Satan l’avait comblé, petit à petit, pour venir finalement loger au cœur même de son corps. Le mariage parfait, il ne s’était jamais senti plus complet, que ce soir-là, que ce soir où il avait enfin reçu le cadeau de sa vie, la puissance qu’il méritait, celle qui ferait de lui, non pas le maître absolu des sorciers, mais celui du monde tout entier.

Le prix à payer ne lui avait pas même semblé décadent. Aelycia ne lui était plus rien, depuis qu’Adrien n’était plus et il avait offert à sa fille, le plus magnifique des présents. Le cri qu’elle avait poussé, en découvrant le massacre de sa mère, il ne l’oublierait jamais… Elle avait tenté de fuir, mais il l’avait rattrapée, ses mains ensanglantées se posant sur sa peau diaphane.

- Mon amour, ne t’enfuis pas… N’aie pas peur… Après cette nuit, plus jamais tu ne seras seule, après cette nuit…

Elle serait le comble de l’Envie, elle serait sa future compagne, son égale. Toute sa vie ne l’avait mené qu’à cet instant.