MY HEART BELONGS TO DADDY
Elle le voyait évoluer, lui de si haut dignitaire et membre du gouvernement, évoluer comme un poisson dans l'eau au milieu de cette foule de gens dont il connaissait non seulement les noms et les prénoms mais aussi tous les détails de ses vies dont l'homme se fichait pourtant probablement mais qu'il étudiait, encore et encore, pour mieux s'en faire apprécier, respecter et, le moment venu, s'en servir. Son père... Etrange animal politique qui la fascinait autant que l'horripilait. Depuis bien des années, toujours même, Daria se sentait perdue face à cet homme qui était le centre de son univers.

Pendant son enfance, elle l'avait maudit, haï pour toutes ces fois où elle avait vu sa mère pleurer sur ces infidélités que l'homme n'avait de cesse de lui infliger avant que de se faire pardonner d'un bouquet de fleurs, d'une parure hors de prix et d'un discours trop bien rôdé pour être honnête ! Langue de bois que tout cela ! Discours de politicien, en somme... Et Daria avait aussi haï sa mère pour s'être toujours aussi aisément laissée berner ! Jusqu'au jour où la femme était partie, lassée de toutes ces incartades, s'envolant vers des cieux meilleurs au bras d'un autre homme. Et Daria, elle, était demeurée seule avec l'image imposante pour ne pas dire écrasante de ce père qui l'éleva à la dure.

La tendresse, lui ? Autant lui demander de se faire eunuque ! Daria avait grandi comme un bon petit soldat, apprenant à encaisser les réflexions blessantes et à se relever chaque fois qu'elle avait le malheur de chuter. Au sens propre comme au figuré, d'ailleurs ! Et tout comme elle avait appris à serrer les poings, pour se défendre comme pour attaquer, l'enfant avait appris à serrer les mâchoires jusqu'à s'en faire mal à chaque fois que son père ramenait ces femmes, ces maîtresses d'un soir ou d'un mois, rarement plus, chez eux. Au début Daria avait voulu s'y attacher, retrouver auprès d'elles la chaleur de cette mère qui lui manquait tant. Mais elle avait vite fini par renoncer : à quoi bon puisqu'elles ne restaient jamais ?

Pourtant, la jeune femme avait mûri plus encore que grandi auprès de cet homme si dur et si intransigeant qu'il en oubliait souvent de simplement se conduire comme un père. Et, les années passant, Daria avait fini par se convaincre que la seule manière pour elle d'obtenir l'attention, et l'affection, de son père était de le forcer à la respecter ! Faire ses preuves encore et encore... Prouver qu'elle était digne de lui et de son regard... Mais son père était un guerrier qui avait décidé d'établir son champs de batailles sur le domaine politique et ce fut sans doutes en grande raison pour cela que, plutôt que de fuir et de tenter de se construire loin de l'aura de cet homme, Daria embrassa la carrière d'Auror. Se battant contre les préjugés dus à son nom, luttant avec une détermination qui confinait à l'obstination, elle parvint à gagner le respect de ses pairs et sa nomination au rang d'Auror d'Elite fut une victoire. Amère cependant car son père brilla autant par son absence que son indifférence. Tout juste un mot, griffonné par une assistante sans doute bien intentionnée et qui fit grogner Daria. Pas suffisant ? Soit !

Alors elle avait osé et prit la plus folle des initiatives ! Celle qui avait laissé son père perplexe et, pour une fois, muet. Elle allait intégrer les Mangemorts et les infiltrer et, de l'intérieur, contribuerait à les faire tomber. Tous ! Il avait d'abord ri, incrédule, avant que de se figer devant le sérieux qu'elle lui avait alors opposé, les mains posées à plat sur son bureau du Ministère. Alors il s'était redressé et l'avait regardée avec intérêt. Lui faisant signe de prendre place il l'avait invitée à lui exposer son plan. Et c'est ce qu'elle avait fait, avec calme et froideur. Se régalant de cette muette acceptation qu'il avait eue lorsque, toujours aussi tacite, il s'était levé et lui avait lâché ce « Joli plan. Hâte de t'en voir récolter les fruits. ». C'était il y avait quelques heures à peine. Juste avant cette soirée où il l'avait priée de venir. Leur dernière en tant que père et fille. Demain elle serait une traître recherchée et dont il souillerait, lui plus que personne, la réputation. Demain elle serait une femme recherchée. Mais, ce soir, il était venu à elle et avait dansé avec elle. Ce soir, oui, ils avaient joué d'égal à égale. Et, rien que pour cela, Daria savait qu'elle avait raison !

My So Cold Hearted Friend

Sa cigarette se consumait, la cendre rougeoyante tombant lentement à ses pieds. Son regard aussi profond qu'ambré se portait sur le paysage de ses quais qui l'entouraient et que la lune baignait de sa diffuse clarté. Un soupir qui lui échappe alors qu'elle jette son mégot au sol et l'écrase rageusement tout en quittant ce mur contre lequel elle s'était adossée depuis un moment déjà. Son regard vint alors s'ancrer à celui de la jeune femme face à elle. Pendant un moment elle ne dit rien, tentant de trouver au fond des yeux d'Olympe la vérité. C'était cette femme qui était venue la trouver, lui soumettre ce plan insensé pour lequel Daria s'était presque immédiatement enthousiasmée, ne réalisant pas vraiment tout ce que cela impliquerait pour elle. Ni qu'à ce jeu là elle pourrait même se perdre !



Alors il en a dit quoi ton Ministre adoré de ton plan ? Il t'a renvoyée dans les cordes ou alors il a applaudi à deux mains ?


Il a donné son aval et nous a plus ou moins laissé carte blanche tant que nos avancées et nos résultats en valent la peine, bien sûr. avait-elle ajouté, son regard toujours aussi impénétrable et sans le moindre sourire aux lèvres D'ailleurs, à ce sujet là tu en es où ?


Je progresse et je pourrais bientôt t'apporter d'autres preuves qui te permettront de faire tomber d'autres têtes au Ministère et pas que. puis Daria l'avait regardée, les mains enfoncées dans les poches et posé la question qui lui brûlait les lèvres depuis un moment maintenant Pourquoi m'avoir choisie, moi, plutôt qu'une autre ?


Parce que tu es douée, possèdes un sens de la probité semblable au mien... une pause et le couperet qui tombe Et parce que tu n'as rien ni personne à perdre au cas où...


Au cas où tout tournerait mal et où je ne revienne pas de cette mission en enfer... Vas-y, dis le !


Mais elle n'avait évidemment pas répondu et Daria avait soupiré tout en s'éloignant, une nouvelle cigarette entre ses lèvres et son majeur levé comme pour mieux livrer le fond de sa pensée. Olympe était honnête et franche, parfois trop. Beaucoup trop. Mais même si cela la blessait ce soir-là, Daria savait aussi que c'était pour cela qu'elle appréciait tant l'Auror d'Elite. Elles se ressemblaient et, si les situations avaient été inversées l'infiltrée savait qu'elle aurait fait pareil. Il faut parfois être prêt à sacrifier jusqu'à ses amis ou sa propre vie pour l'emporter. Une vie, une seule, contre l'intérêt général. Cruel, certes, mais réaliste. Et Daria l'acceptait.

I'll DEFEAT YOU ALL

Elle semblait comme figée dans ses pensées, concentrée sur cette mission qui n'attendait qu'elle et pour laquelle elle se préparait. Déjà elle avait revêtu sa tenue la plus sombre, soupirant quand elle avait vue cette maque à la chair de sa peau. La Marque des Ténèbres... Evidemment elle avait feint la fierté quand celle-ci lui avait été apposée mais, chaque fois que son regard venait à l'effleurer, il lui fallait fournir de gigantesques efforts pour ne pas se précipiter aux toilettes et laisser ses tripes remonter, son estomac se vider. Fébrilement elle avait descendue la manche de son sous pull et enfilé ce masque qui dissimulerait ses traits. Lâches... Ils étaient tous des lâches ! Pas même capables d'assumer leurs actes ! Et ils s'estimaient les seuls à être dignes d'être nommés sorciers ? Conneries ! Connards... Soupirant profondément pour mieux exhaler son ressentiment, sa frustration et son dégoût d'elle-même  elle avait saisi sa baguette et rejoint les autres.



Ils avaient transplané dans ce petit village moldu où, pour une raison qui échappait encore à la jeune femme, ils avaient semé le chaos. Une sombre histoire de traître à la cause... Premièrement cette personne devrait être décorée pour son sursaut, tardif certes, de lucidité ! Deuxièmement, si ses leaders pensaient que faire un tel carnage pourrait leur éviter les récidives ils se plantaient ! Voldemort aussi avait voulu régner et tenir ses hommes par la peur et tout le monde savait comment il avait fini, non ? Ses remplaçants auto-proclamés feraient bien de retenir les leçons du passé ! Et, troisièmement, punir tout un village pour un seul homme cela était une dépense inutile d'énergie et d'hommes ! Tant mieux pour les Aurors en face qui parviendraient bien à les défaire ces terroristes ! S'ils continuaient ainsi leur mort était d'ors et déjà annoncée !



Mais, pour elle, l'heure n'était pas à la réflexion mais à l'action et Daria, se sachant épiée par ses camarades, se donnait autant qu'elle le pouvait. Trop même... Elle le savait que son infiltration aurait un prix ! Elle avait pensé à sa liberté, à sa famille et ses amis... La jeune femme n'avait pas pensé à son âme et, pourtant, le sourire qu'elle esquissa alors qu'elle venait de tuer un innocent voulait tout dire. Daria commençait à aimer ça...

BEYOND THE MIRROR

Et puisque toute histoire à une morale...

Son reflet dans la glace l'hypnotisait de la pire des manières. Avec lenteur et une minutie qui confinait à l'obstination elle lavait le sang venu souiller sa peau diaphane. Elle avait tué et les cris de ses victimes résonnaient encore dans son esprit, la torturant de la plus atroce des manières. Et ces regards, remplis d'incompréhension et de terreur que tous, sans exception, lui avaient jetés alors qu'ils sentaient leur dernière heure arriver ! Elle les avait tués, achevés ! Et, demain si ces Mangemorts qu'elle avait infiltrés lui redemandait, Daria savait qu'elle tuerait de nouveau. La fin justifie les moyens ne cessait de lui répéter Olympe, consciente que la motivation et la raison de son amie vacillaient de plus en plus. Oui, Daria approuvait cette pensée... Du moins avant ! Aujourd'hui... aujourd'hui tout lui semblait différent ! Terriblement différent et, de certitudes, Daria n'en avait plus qu'une seule : elle était coincée ! Avec ces monstres qu'elle voulait plus que jamais faire tomber tant ils éveillaient en elle la plus sombre des facettes. Avec ce monstre qu'elle se découvrait pouvoir aussi être, donc... Coincée, coincée, coincée !



De rage elle laisse son poing serré à s'en faire blanchir les jointures frapper et faire éclater la glace. Et puis elle se précipite dans ce salon pourri, de cette piaule pourrie où elle vit, recluse. Voilà sa vie ! Minable et pathétique ! Empestant le souffre et la mort ! Une bouteille dont elle se saisit et dont elle porte le goulot à ses lèvres pour mieux la vider. Boire pour oublier. Boire pour ne pas penser que, cette vie là, sera encore la sienne pour bien longtemps. Daria soupira. Elle avait voulu cela. Pour rendre son père fier d'elle et parvenir à se faire un prénom  à défaut d'un nom. Elle l'avait voulu, oui. Le voulait-elle encore ? Pas si sur...